
On raconte qu’un jour, alors qu’il se trouvait en bonne compagnie et prenait le frais sous l’olivier d’El Djen’ba, il vit passer, en contrebas, Mansour Eddarradji sur sa mule… L’assistance l’ayant mis au défi d’arrêter la bête, il simula un tir au fusil en mettant en joue la mule… Au « pan ! » qui fusa de sa bouche quand il l’eut dans sa ligne de mire, la mule, pourtant distante de plus de 500 mètres s’affala, heureusement au ralenti, ce qui valut à Mansour de tâcher seulement son burnous mais sans trop ressentir l’effet de sa chute sur sa chair et ses os…
Salem En-Neggara possédait un poulailler… il l’avait construit dans sa terre de Bir Moudjnib et il y passait le plus clair de son temps. Il avait dressé un barrage en tôle et branches de jujubier à 100 m de l’esplanade sur laquelle il élevait ses poulets… affirmant à ceux qui osaient une question sur cette barricade, que ses poules n’aimaient pas être dérangées par les voix des hommes et le bruit des moteurs et qu’il préférait pour sa part, décharger les aliments du bétail assez loin et consentir de les transporter à dos d’homme jusqu’au garage plutôt que de mettre en péril sa seule source de revenus… en réalité c’est du mauvais œil qu’il avait une forte appréhension car il connaissait, et pour cause les conséquences qu’il pouvait engendrer et les pertes qu’il occasionnait…
En prenant toutes ces précautions, sans compter les pneus usés qu’il avait placé sur le toit du poulailler, et, il faut le dire aussi, en sachant soigner et entretenir ses bêtes, Salem En-Neggara réussissait toujours à proposer des poules dodues et propres… Un jour, Belgacem Boulehraness, son rival en aviculture mais néanmoins ami depuis la Révolution Agraire où ils étaient dans la même coopérative, invita Salem à venir inspecter son poulailler pour essayer de comprendre ce qui n’y tournait pas rond et qui faisait que ses poulettes restaient malingres et anémiées malgré tous les soins qu’il leur apportait et les vitamines et antibiotiques qu’il leur faisait ingurgiter…
Il se doutait bien que le mauvais œil de Salem allait faire ses effets, mais ne l’appréhendait pas très fort car se disait-il, la situation de ses poulets ne pouvait en aucun cas être pire que ce qu’elle était !
Il avait un poulailler en parpaings recouvert de plaques de fibro-ciment datant de l’époque où l’amiante était inoffensive. Quand ils poussèrent le semblant de porte qui barrait l’entrée après avoir dénoué le fil de fer qui la retenait, Salem fut, il faut le dire, intérieurement satisfait de ce que subissait son ami, comparativement à aux prouesses qu’il réussissait à réaliser : des poulettes stressées, à moitié déplumées, le croupion ensanglanté par le cannibalisme… bref, un spectacle qui n’avait rien de réjouissant pour tout éleveur digne de ce nom.
- Tes poules sont trop à l’étroit Si Belgacem !... il faut te résoudre à te libérer au moins du cinquième ; et fais en sorte d’éviter l’aliment de Amar El Gourchala, ses tamis ne sont pas au point ; il y’a trop de grains non broyés que les poules picorent, dédaignant le reste et se privant ainsi de vitamines et de sels minéraux car c’est dans les parties fines qu’on en trouve le plus…
Quand ils se séparèrent, Belgacem savait que l’œil de Salem ferait quelques effets ; et quand vint le soir, il évacua 2 brouettes de cadavres de poulets ; il se dit que ça aiderait à aérer son poulailler et n’en fit plus grand cas…
En rentrant chez lui, Salem En-Neggara ne put s’empêcher de faire un détour par sa terre de Bir Moudjnib… il avait toujours en tête l’image des poules de Belgacem Boulehraness… Quand il pénétra dans son poulailler et qu’il vit son cheptel éclatant de santé, il en fut si épaté qu’il ne put réprimer l’envie de prendre une chaise et de s’asseoir à contre dossier, le menton sur ses bras croisés et de rester longtemps à regarder ses belles bêtes à la blancheur immaculée, aux plumes fournies et qui donnaient une belle impression de joie de vivre…
Après la prière du Maghreb, en revenant de la mosquée, il s’ouvrit à ses deux voisins Ahmed El Gountass et Saad El M’Derwell sur la catastrophe que vivait le poulailler de Salem, non sans parler de la bonne santé de ses poules…
Les deux hommes ne dirent rien mais s’échangèrent en catimini un regard qui en disait long sur ce qu’ils pensaient…
Le lendemain matin, en rendant visite à son poulailler Salem En-Neggara fut surpris de trouver la moitié de son élevage gisant, sans vie, sur le parterre…
Dans la journée, tout le village le sut.
C’est sûrement Ahmed el Gountass, plus disert que Saad El M’Derwell qui proféra alors une phrase qui, à ce jour, illustre dans les propos des villageois, la morale de cette histoire : « Ain En’Neggara tedhrob h’atta rezk moulaha ! » (L’œil d’En-Neggara frappe même son propre bien !»
Salem En-Neggara possédait un poulailler… il l’avait construit dans sa terre de Bir Moudjnib et il y passait le plus clair de son temps. Il avait dressé un barrage en tôle et branches de jujubier à 100 m de l’esplanade sur laquelle il élevait ses poulets… affirmant à ceux qui osaient une question sur cette barricade, que ses poules n’aimaient pas être dérangées par les voix des hommes et le bruit des moteurs et qu’il préférait pour sa part, décharger les aliments du bétail assez loin et consentir de les transporter à dos d’homme jusqu’au garage plutôt que de mettre en péril sa seule source de revenus… en réalité c’est du mauvais œil qu’il avait une forte appréhension car il connaissait, et pour cause les conséquences qu’il pouvait engendrer et les pertes qu’il occasionnait…
En prenant toutes ces précautions, sans compter les pneus usés qu’il avait placé sur le toit du poulailler, et, il faut le dire aussi, en sachant soigner et entretenir ses bêtes, Salem En-Neggara réussissait toujours à proposer des poules dodues et propres… Un jour, Belgacem Boulehraness, son rival en aviculture mais néanmoins ami depuis la Révolution Agraire où ils étaient dans la même coopérative, invita Salem à venir inspecter son poulailler pour essayer de comprendre ce qui n’y tournait pas rond et qui faisait que ses poulettes restaient malingres et anémiées malgré tous les soins qu’il leur apportait et les vitamines et antibiotiques qu’il leur faisait ingurgiter…
Il se doutait bien que le mauvais œil de Salem allait faire ses effets, mais ne l’appréhendait pas très fort car se disait-il, la situation de ses poulets ne pouvait en aucun cas être pire que ce qu’elle était !
Il avait un poulailler en parpaings recouvert de plaques de fibro-ciment datant de l’époque où l’amiante était inoffensive. Quand ils poussèrent le semblant de porte qui barrait l’entrée après avoir dénoué le fil de fer qui la retenait, Salem fut, il faut le dire, intérieurement satisfait de ce que subissait son ami, comparativement à aux prouesses qu’il réussissait à réaliser : des poulettes stressées, à moitié déplumées, le croupion ensanglanté par le cannibalisme… bref, un spectacle qui n’avait rien de réjouissant pour tout éleveur digne de ce nom.
- Tes poules sont trop à l’étroit Si Belgacem !... il faut te résoudre à te libérer au moins du cinquième ; et fais en sorte d’éviter l’aliment de Amar El Gourchala, ses tamis ne sont pas au point ; il y’a trop de grains non broyés que les poules picorent, dédaignant le reste et se privant ainsi de vitamines et de sels minéraux car c’est dans les parties fines qu’on en trouve le plus…
Quand ils se séparèrent, Belgacem savait que l’œil de Salem ferait quelques effets ; et quand vint le soir, il évacua 2 brouettes de cadavres de poulets ; il se dit que ça aiderait à aérer son poulailler et n’en fit plus grand cas…
En rentrant chez lui, Salem En-Neggara ne put s’empêcher de faire un détour par sa terre de Bir Moudjnib… il avait toujours en tête l’image des poules de Belgacem Boulehraness… Quand il pénétra dans son poulailler et qu’il vit son cheptel éclatant de santé, il en fut si épaté qu’il ne put réprimer l’envie de prendre une chaise et de s’asseoir à contre dossier, le menton sur ses bras croisés et de rester longtemps à regarder ses belles bêtes à la blancheur immaculée, aux plumes fournies et qui donnaient une belle impression de joie de vivre…
Après la prière du Maghreb, en revenant de la mosquée, il s’ouvrit à ses deux voisins Ahmed El Gountass et Saad El M’Derwell sur la catastrophe que vivait le poulailler de Salem, non sans parler de la bonne santé de ses poules…
Les deux hommes ne dirent rien mais s’échangèrent en catimini un regard qui en disait long sur ce qu’ils pensaient…
Le lendemain matin, en rendant visite à son poulailler Salem En-Neggara fut surpris de trouver la moitié de son élevage gisant, sans vie, sur le parterre…
Dans la journée, tout le village le sut.
C’est sûrement Ahmed el Gountass, plus disert que Saad El M’Derwell qui proféra alors une phrase qui, à ce jour, illustre dans les propos des villageois, la morale de cette histoire : « Ain En’Neggara tedhrob h’atta rezk moulaha ! » (L’œil d’En-Neggara frappe même son propre bien !»