
Il n'y a pas longtemps, lors de l'une de nos fortuites rencontres que les contingences de la vie éloignent de plus en plus, il m'a raconté son histoire de fourmis...
Il m'a dit avoir remarqué une invasion de sa maison par une race de fourmis qu'il ne connaissait pas... ni les grosses noires luisantes, ni leurs frêles cousines poussiéreuses, ni les petites pestes rouges, ni ces minuscules et innombrables points qui arrivent jusqu'à votre potager et se mettent à trois pour traîner un grain de sucre...
Rachid s'est dit que cette terre qui lui déverse ses entrailles grouillantes sur le parterre de son salon ne pouvait qu'annoncer quelque catastrophe tellurique imminente...
Il a commencé à réfléchir au meilleur moyen de se débarrasser de ces bestioles mais sans utiliser la solution finale car il se voyait mal assassiner autant de vies...
Mais ses réflexions ont trop duré et ne voyant aucune solution, sa femme le pressa d'aller acheter un sachet de "doua el barghouth" et d'arrêter ses vaines cogitations ...
Rachid dut, la mort dans
l’âme se résoudre à descendre en ville pour acheter cette poudre tueuse…
En cours de route il
rencontra un collègue enseignant qui s’enquit de son état en voyant son air
torturé par l’idée du crime qu’il allait commettre.
Rachid lui expliqua son
histoire de fourmis et s’ouvrit à lui de ses scrupules.
Le Monsieur lui dit avec une
conviction toute religieuse que les fourmis ne sont pas aussi bêtes qu’on le
pense et qu’elles sont structurées et disciplinées… Et puisqu’elles ont parlé à
Salomon (Sidna Soulaymane), elles sont donc capables de comprendre notre
langage…
-
Dis leur de quitter ta demeure et elles le
feront, lui dit-il.
Rachid rebroussa chemin et
quand il pénétra chez lui sans le sachet de poudre, sa femme lui fit comme
toute femme qui se respecte, une petite scène.
Il évita de rentrer dans la
polémique et se dirigea vers le mur où se trouvait le gros de la troupe des
envahisseurs…
-
Quittez ma demeure ! leur dit-il en se
répétant à trois reprises.
On devine un peu la surprise
et surtout l’inquiétude de sa femme qui, les mains sur les hanches regardait
son mari qui parlait aux fourmis !!!!
-
Allah yah’dik ! lui dit-elle.
La traînée de fourmis
commença alors à s’effilocher et quelques heures plus tard, il n’en est resté
que quelques individus qui traînaient parce que même chez les fourmis, il y’a toujours
des traînards…
Le lendemain, comme si elles
eussent été ravalées par la terre qui les avait dégurgitées, il n’y avait plus
trace des fourmis…
Ces jours ci je subis la
même invasion. Mais mes fourmis à moi n’on rien de spécial ; ce sont des
petites noires très communes… elles ont certainement été attirées par le millet
rond que rejette mon couple de bengalis…
Ma femme n’arrête pas de me
harceler pour que j’aille acheter l’insecticide en poudre qui doit m’en
débarrasser (des fourmis s’entend !)…
Je lui ai préconisé
d’utiliser la méthode douce rachidienne…
Mal m’en a pris… Avec sa
moue de dédain assassine, elle m’a rétorqué :
- Vas, toi-même faire ton
discours aux fourmis !... moi je suis encore en possession de toutes mes
capacités mentales !...
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