Dans mon village, à la campagne, c’est la consternation.
Mouloud El Postier, figure emblématique de toute la région est mort. La nouvelle est tombée comme la foudre… Le village ne s’était pas encore remis de la brutale disparition de Said Bouzid le chauffeur du semi-remorque bleu de l’usine, qu’il a dû se résigner à se séparer d’un autre de ses enfants. C’est vrai que la mort ne demande pas l’avis des villageois pour jeter son dévolu sur sa proie mais si nous avons accepté celle de Said Bouzid, terrassé depuis 15 jours par une méchante tumeur, il n’en était pas de même pour Mouloud qui rayonnait de santé et de présence.
Said Timbou le fou nous avait pourtant prévenus… « cette fois-ci elle frappera quatre fois » n’arrêtait-il pas de crier le long des chemins. Il visait toujours juste, Timbou le fou et n’annonçait que les tragiques visites de la faucheuse, au point que tout le monde l’appelait « Ouedj’h Echarr ».
Mouloud le Postier, elle l’a attendu au détour d’un virage du côté de Bordj Bou Arréridj… Le camion qui percuta la voiture dans laquelle il occupait la place du mort ne lui laissa aucune chance. Si, tout de même !... Celle de faire sa profession de foi.
Le cortège nuptial dans lequel il se trouvait, continua sans lui… et ce n’est que le lendemain qu’on put procéder à la levée du corps qui nous fut ramené afin que nous l’emmenions reposer parmi les siens au cimetière de sa tribu.
Au cimetière, durant l’enterrement, Said Hamoud, le planton retraité de la mairie apercevant Said Timbou le Fou, osa ironiser malgré la solennité des lieux et du moment : … « Cette fois-ci « Ouedj’h Echarr » a tiré une rafale, 3 balles sont parties à côté ! »…
Le rituel de l’enterrement accompli, nous retournâmes au village. En passant par Ain El Bagra nous aperçûmes un attroupement devant la demeure des Morhani… Le fils, sa mère et sa femme qu’il venait d’épouser depuis à peine 10 jours venaient de périr dans un accident de la route. Leur voiture faisait partie du cortège nuptial d’un lointain parent de derrière la montagne…
Au fou hilare qui saluait de son chapeau de paille notre cortège funèbre en ricanant, Said Hamoud lança rageur : « Tu peux ricaner ya Ouedj’h Echarr !... ton compte est bon ! »
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