Dans mon village, à la campagne, l’atmosphère est très tendue et les gens sont divisés entre partisans de Sid-Ali Boudraa et défenseurs de Sid-Ahmed Boukraa… le premier, un fier à bras, aurait certainement administré une tannée au second, un coureur invétéré, si ce dernier n’avait donné « du vent à ses pieds »…
C’est à cause d’une vache que tout est arrivé !
Non instruite des limites entre les terrains de deux hommes car elle ne devait certainement pas connaître le sens d’une clôture, La vache de Ahmed Boukraa avait en effet passé sa grosse tête hors de la palissade de séparation et arraché d’un coup d’incisives une bonne touffe de chiendent, herbe parasite mais tout de même incontestable propriété de Sid-Ali Boudraa. C’était suffisant pour que les hostilités latentes entre les deux hommes prennent allure de feuilleton, occasionnant aux deux hommes des déplacements et des frais qui ont contraint le premier à laisser ses jardins en jachère et le second à… vendre sa vache.
Sid-Ali Boudraa et Sid-Ahmed Boukraa sont voisins et tout le monde a constaté que depuis l’ouverture des deux cabinets d’avocats au village, les voisins sont devenus tous ennemis les uns des autres… Les deux cabinets ne chôment pas et, pour faire face à la demande, ils ont dû recruter à tour de bras des jeunes diplômés payés par l’Etat dans le cadre des différents dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle…
Les problèmes villageois avant l’arrivée des « beaux gâteaux » étaient réglés par les conseils de sages des quartiers… des conseils qui n’ont rien à voir avec les actuels comités de quartiers crées et entretenus par l’administration pour servir d’alibi de démocratie, un peu comme les partis dits politiques à un plus haut niveau, et pour remplir les salles et jouer à la claque lors des visites du Président, des ministres ou du Wali… Non, le conseil des sages ne tenait qu’à une ou deux personnes, choisies parmi celles qui font l’unanimité pour leur probité et leur charisme, leur foi et leur érudition… et qui avaient suffisamment d’autorité morale pour en imposer aux belligérants potentiels…
Et pour les conflits dépassant le quartier, on allait solliciter l’arbitrage de Chikh El Hantali qui avait la patience, la sagesse et l’autorité suffisantes pour faire sortir bras dessus bras dessous, des gens entrés chez lui en chiens de faïence…
Belaiz a eu l’idée de restaurer ces médiations en créant le corps des médiateurs… fonctionnarisés à outrance, ces intermédiaires judiciaires n’ont aucune chance de remplacer les sages d’antan.
Parce que la bouchée de chiendent arrachée de la propriété de Boudraa, si elle n’a pas servi à faire grossir la vache de Boukraa, aura certainement servir à gonfler le compte en banque de tous ces défenseurs et auxiliaires de justices : avocats, huissiers et…médiateurs dont les études poussent à vue d’œil même dans mon village à la campagne… un village qui en était prémuni et où personne n’avait intérêt à créer des conflits qui n’avaient aucune raison d’exister !
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