Dans mon village à la campagne, après plus de 14 siècles de bonne foi on découvre des pans cachés de la pratique religieuse à chaque nouvel Imam que nous affecte Ghoulamallah ou qui s'intrônise à notre Islam défendant. Ainsi en est-il des jeunes surérogatoires.
Dans la pratique villageoise habituelle, jusqu'aux années 70, on jeunait le Ramadhan et seulement le Ramadhan sauf si on avait contracté une dette pour une raison ou pour une autre ou juré pour rien... Puis on découvrit les 6 jours des stoïques de Choual et tout le monde se fit stoïque... Dix ans plus tard on vint nous assurer, hadidths à l'appui, que le jeudi et le lundi étaient des jours presque aussi sacrés que le vendredi et que nous gagnerons beaucoup à les honorer par le jeune et c'est tout naturellement que nous devînmes jeuneurs en ces jours saints au grand dam des restaurateurs et pour le grand bien des vendeurs de viande hachée et de fines herbes... Passe pour le jeune des deux jours qui précédent l'Aid El Kebir qui est devenu, comme le sacrifice lui même, plutôt Fardh que Sunna...
La dernière prescription, beaucoup plus lourde que toutes les autres, s'impose depuis deux ans à peine et cette année elle a littéralement fait loi par le matraquage incessant des exégètes de tous poils et autres diffuseurs attitrés de Fetwas des chaînes satellitaires, relayés comme de bien entendu par les prêcheurs de nos mosquées et ceux, encore plus convaincus, de nos rues, administrations et marchés: c'est celle du jeune quasi obligatoire de 10 jours précédent l'Aid !...
En calculant bien tous ces jours de diète qu'impose la foi new-look, moi j'ai trouvé qu'on devrait jeuner carrément un jour sur deux !...
Quand on sait comment s'effectue notre jeune, les dépenses que nous y consentons pour notre...bouffe, les efforts que nous y économisons dans notre boulot, l'adrénaline que nous y mobilisons dans nos rapports sociaux...
on comprend mieux pourquoi, à chaque poussée de fièvre religieuse, le taux de nos diabétiques et hypertendus augmente si significativement ...
Quelques semaines avant l'Aid El Kebir, notre Imam qui colle toujours à l'actualité dans ses prêches dictés par les services de Ghoulamallah, n'a pas manqué de nous entretenir d'égorgement... non pas pour fustiger cette forme d'envoi ad-patres des bipèdes génants mais du rituel sacré pratiqué sur certains quadrupèdes en ce jour sacré...
Nous avons ainsi appris que plus le mouton nous était attaché à nous et à nos enfants par la vertu du covoisinage plus nous avions du mérite à le passer au fil du couteau car Dieu agrée mieux de nous les choses que nous aimons... nous a t'il expliqué avec l'emphase de circonstance.
L'autre principe que nous a inculqué notre Imam c'est celui de bander les yeux des moutons qui attendent leur tour d'être égorgés, un peu comme on le ferait aux condamnés avant de leur mettre la corde au cou... Il ne nous a pas dit de leur mettre des boules quiès dans les oreilles parce qu'il savait que les pharmacies n'en disposaient pas et étaient par ailleurs fermées au moment du grand rush vers les couteaux mais aussi parce qu'il n'était pas certain que le mouton sache interpréter les râles ultimes de son congenère quand il les exhale.
Mais si le mouton doit avoir les yeux bandés, ce n'est pas le cas des enfants qui doivent les avoir bien ouverts pour constater de visu ce à quoi ils ont échappé grâce au mouton propitiatoire dont fut gratifié le Prophète Abraham pour lui éviter un mémorable infanticide.
Quant aux caractéristiques physiologiques requises du mouton à égorger, notre Imam nous a précisé les conditions d'âge et de bonne constitution; le sexe important peu nous a t'il dit, en précisant que la brebis - même pleine - pouvait être sacrifiée...
L'assistance était particulièrement attentionnée jusque là mais, quand il nous précisa qu'il nous était licite de nous farcir l'agnelet qu'elle portait dans son placenta, à charge pour nous de l'égorger lui aussi, il y'eut un murmure dans la salle et on entendit quelqu'un se retenir de tout rendre et, la main sur la bouche, on le vit traverser les rangs des fidèles pour se diriger vers la salle d'eau...
Dans le silence religieux qui enveloppe l'assistance en pareille circonstance on crut l'entendre murmurer un "taklou errah'dj!" aussi indigné qu'écoeuré...
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